S’informer sur le défi climatique

« Chaleur humaine » est un podcast de réflexion et de débat sur les manières de faire face au défi climatique du journal Le Monde. Découvrez quelques articles et épisodes que nous avons apprécié.
Vincent Bretagnolle est biologiste, directeur de recherche au CNRS. Sabrina Gaba est écologue, directrice de recherche à INRAE
« Je ne comprends pas pourquoi on dit qu’il faut développer les éoliennes, alors qu’en France l’électricité est déjà décarbonée grâce au nucléaire. Pourquoi aurait-on besoin d’ajouter des éoliennes ou même des panneaux solaires, alors que ça ne sert à rien pour nos émissions de gaz à effet de serre ? On ferait mieux de s’en prendre aux voitures ou aux camions ! » Question posée par Marc à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr
Ma réponse : En France, la production d’électricité émet effectivement très peu de gaz à effet de serre, grâce à un bouquet électrique composé de centrales nucléaires et d’énergies renouvelables. Selon les experts, il est important de développer l’éolien et le solaire parce que cela permet de continuer à décarboner nos usages d’aujourd’hui et surtout ceux du futur, notamment la voiture électrique ou le chauffage.
Si vous voulez mieux comprendre, je vous recommande cet épisode de « Chaleur humaine » avec Thomas Veyrenc, du Réseau de transport d’électricité (RTE). A écouter ici.
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1/ Les énergies renouvelables ont-elles servi à quelque chose en France pour le climat ?
Oui, elles ont contribué à faire fermer de nombreuses centrales très polluantes. En 2024, la France avait une électricité décarbonée à 94 %. C’est un record ! Dans le détail, le nucléaire représente 67 % de la production, l’hydraulique 14 %, puis viennent l’éolien (8,7 %) et le solaire (4,6 %). Le reste de la production correspond essentiellement à du gaz et à très peu de charbon. Tous les chiffres sur le site de RTE par ici.
Mais cela n’a pas toujours été le cas. Ces quinze dernières années, la France a fermé plus de 15 unités de production d’électricité à partir d’énergies fossiles. Concrètement, cela veut dire que des centrales à charbon et au fioul ont progressivement été remplacées par de l’éolien et du solaire. Et que, désormais, celles qui restent sont beaucoup moins utilisées. Autrement dit : la participation des énergies renouvelables à la décarbonation a déjà eu lieu.
2/ Pourquoi faut-il en développer encore plus ?
Parce que nous allons avoir besoin de plus d’électricité : aujourd’hui, elle ne représente que 25 % de l’énergie utilisée en France. Pour tenir nos objectifs climatiques, la stratégie défendue par de nombreux scientifiques, experts ou centres de réflexion consiste à électrifier, c’est-à-dire à basculer certains secteurs qui utilisent beaucoup de pétrole ou de gaz vers l’électricité. Cela concerne effectivement le transport, avec les véhicules électriques, le chauffage, les pompes à chaleur, mais également certains usages industriels. « Les énergies renouvelables sont désormais un compagnon nécessaire de l’électrification », explique Thomas Veyrenc. On n’y arrivera pas sans elles.
Bien sûr, cela ne résoudra pas tous les problèmes, il faudra aussi consommer moins d’énergie en général. Mais c’est déjà un pas important.
L’autre point important à comprendre est que le parc nucléaire français n’est pas éternel : autour de 2050, tous les réacteurs (sauf un) auront plus de soixante ans d’exploitation et devront probablement être fermés les uns après les autres – d’autant plus qu’ils ont été construits sur une période très courte (ce que les spécialistes appellent « l’effet falaise »). Pour anticiper ces fermetures, il est important de développer progressivement d’autres sources de production d’électricité. C’est ce qu’expliquent bien les scénarios de RTE « Futurs énergétiques » : même si on construit de nouveaux réacteurs nucléaires, il faudra de toute façon du solaire et de l’éolien en grande quantité.
On en avait parlé dans cet épisode de « Chaleur humaine » sur le nucléaire avec Nicolas Goldberg, consultant chez Colombus consulting et spécialiste du secteur électrique, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
3/ Est-ce que ça décarbone encore aujourd’hui ?
Oui. Non seulement l’éolien et le solaire évitent des émissions de gaz à effet de serre en France, mais ils permettent d’en éviter ailleurs en Europe. Les réseaux électriques sont de plus en plus interconnectés avec ceux de ses voisins, et la France exporte très fortement son électricité. Quand elle en produit trop – c’est le cas la plupart des jours de l’année –, la France vend à ses voisins son surplus d’électricité. Or, plusieurs de nos voisins – l’Allemagne ou l’Italie par exemple – émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre que nous avec leur électricité. Quand ils achètent de l’électricité produite en France avec du nucléaire ou des énergies renouvelables, cela contribue à limiter les émissions en Europe. En 2023, par exemple, les exportations françaises ont permis d’éviter 25 millions de tonnes de CO2 en moins dans toute l’Europe – soit plus ou moins l’équivalent des émissions annuelles d’une ville comme Paris.
Par ailleurs, ce n’est pas juste de la sympathie pour nos voisins. En 2024, ces exportations ont rapporté plus de 5 milliards d’euros à la France. (Vous pouvez retrouver des chiffres récents de RTE dans ce document.) Ce qui fait dire à RTE que le développement de toutes les sources de production bas-carbone est « sans regret » à moyen terme.
Cet article de ma collègue Marie de Vergès qui fait le tour de la stratégie assumée des groupes pétroliers – européens comme américains – de continuer à augmenter leur production, au mépris des trajectoires climatiques. A lire ici.
